Santo Sospiro, en niçois, peut se traduire comme «un saint soupir». On raconte que par mauvais temps les pêcheurs du village de Saint-Jean venaient se réfugier dans la rade de Villefranche, en passant le phare à la pointe du Cap Ferrat ils poussaient un soupir de soulagement car ils étaient sauvés. Le Phare se trouve juste à quelques pas de la Villa.
Le nom de la villa Santo Sospir vient de l'ancien nom du Cap Ferrat qui s'appelait autrefois Cap Santo Sospiro. Il a était découvert par hasard grâce à Francine Weisweiller, la propriétaire de la villa, et son ami Jean Cocteau. Francine Weisweiller aimant les objets rappelant la mer, les bateaux et les croisières, achète un jour une carte maritime datant du 12 siècle.
Examinant cette carte avec Jean Cocteau ils vont s'apercevoir que le cap où se situe la villa s'appelait Cap Santo Sospiro. Cocteau a alors proposé de donner ce nom à la maison, la Villa Santo Sospir.
En 1948 Francine et Alec naviguaient autour de la péninsule de Cap-Ferrat quand Francine remarqua une belle villa. A ce moment-là, elle a compris qu'elle avait trouvé la maison de ses rêves. Peu après, le couple devint propriétaire de ce domaine construit en 1930. Alec tint parole et acheta la maison idéale pour sa femme. Il était millionnaire, banquier, héritier de la famille Deutsch de la Meurthe, famille qui avait investi dans le pétrole et la SHELL, apparentée aux Rothschild.Désert jusqu'au 20 siècle, ce coin de la Côte d'Azur s'est rapidement transformé en lieu de villégiature luxueux parsemé de villas appartenant à des personnes riches et puissantes, comme le roi Léopold II de Belgique. Le Cap Ferrat attire les millionnaires, les aristocrates et les esprits créatifs, comme Rainier III, Somerset Maugham, Winston Churchill, Hubert de Givenchy, Charlie Chaplin, Isadora Duncan, Elizabeth Taylor et Richard Burton. Grâce aux Weisweiller, le nombre de clients célèbres a encore augmenté.
Francine et Alec décident de fuir. Ils essaieront de traverser les Pyrénées pour trouver un bateau en Espagne qui les emmènerait aux Etats-Unis. Quant à Betty Weisweiller, elle décida de rester à Antibes où elle sera arrêtée à l'Altana par la gestapo et mourra dans le train l'amenant à Auschwitz. Francine et sa famille s'arrêteront à Pau où ils passeront le reste de la guerre sous le nom de Lelestrier. Un jour Francine et Alec ont faillit être arrêtés par la gestapo.
Le couple laisse leur fille Carole, née en 1942, chez des voisins et essaye de s'échapper dans la forêt, où Alec a pu cacher sa femme dans les feuilles mortes. À ce moment précis, il chuchotait que s'ils survivaient, il lui achèterait une maison de rêve. Ils ont survecu!
L'histoire de la villa est fortement liée aux Weisweiller, une famille riche d'origine juive. Au début de la Seconde Guerre mondiale, Francine et Alec Weisweiller, mariés en 1939, trouvent refuge chez la mère d'Alec, Betty Weisweiller, dans sa villa d'Antibes, l'Altana. Cependant, en septembre 1943, le Sud de la France a été occupé par l'Allemagne nazie.
Peu après cette rencontre, Mme Weisweiller a invité l'écrivain à passer les vacances à la Villa. Jean Cocteau accepte et en mai 1950 arrive avec son fils adoptif Edouard Dermit, qui interprète le rôle de Paul dans « Les Enfants Terribles ». Cependant, très vite, l'artiste se sent fatigué de l'oisiveté. « Je dépéris ici », dit-il à Francine et lui propose de dessiner quelque chose au-dessus de la cheminée du salon. La première image se transforma en tête de Dieu Soleil ou Apollon, le dieu grec de la Musique, de la Poésie et des Arts. C'est ainsi que Cocteau commença à peindre les murs de la villa.
Avec l'emménagement à la Villa les Weisweiller ont commencé un nouveau chapitre dans leur vie. Francine y a invité sa bonne amie et créatrice légendaire Madeleine Castaing à travailler sur les intérieurs de la villa. Personnalité originale, voire fantasque, elle a révolutionné le monde de la décoration et a transformé la maison en une œuvre d'art.
Entre-temps Francine fait partie des milieux mondains. Cliente et amie de Christian Dior, Balenciaga, Coco Chanel et d'Yves Saint Laurent, en 1949, Mme Weisweiller fait la connaissance de Jean Cocteau. Ils furent présentés par l'intermédiaire de Nicole de Rothschild, l'une de cousines d'Alec Weisweiller, actrice française connue au cinéma sous le nom de Nicole Stephane. Elle tenait le rôle principale dans « Les Enfants Terribles», le film adapté par Jean Cocteau d'après son célèbre roman.
La Villa comme un objet d'art
Selon les mémoires de Cocteau: « Picasso a ouvert et fermé toutes les portes, il restait de peindre sur les portes, c'est ce que j'ai essayé de faire. Mais les portes donnent dans les chambres, les chambres ont des murs et si les portes sont peintes les murs ont l'air vides… »
Cocteau a décoré tous les murs de la maison à main levée! Il a tatoué les murs au fusain et ensuite il a rehaussé ses dessins de couleurs, utilisant les pigments préparés spécialement pour lui par un ouvrier italien. Lesquels ont été mélangés avec du lait cru, technique appelée frescoes à tempera. Au total, Cocteau a créé 200 tatouages environ. Parfois, il ne bougeait même pas les meubles et dessinait directement sur les objets.
En 1951 l'artiste a décoré les plafonds et créé deux mosaïques pour le patio. La tapisserie Judith et Holopherne, dont Cocteau avait réalisé et peint le carton en 1948, prend sa place à Santo Sospir en 1953. La tapisserie a été réalisée par les ateliers d'Aubusson connus depuis le XVIe siècle, puis Manufacture Royale de 1665. En 1952 Cocteau tourne le court métrage «La Villa Santo Sospir».
En quelques mois toute la maison devint couverte de dessins que Cocteau appelait des « tatouages ». Il disait : "Il ne fallait pas habiller les murs, il fallait dessiner sur leur peau, c'est pourquoi j'ai traité les fresques linéairement avec le peu de couleurs qui rehaussent les tatouages. Santo Sospir est une villa tatouée».
Lorsque Cocteau réalisa le premier tatouage, il se rendit chez son ami Henri Matisse avec des photos de la cheminée et du Dieu Soleil. Matisse trouva le dessin pas mal et dit à Jean Cocteau: «Quand on décore un mur, on décore les autres». Au même moment Pablo Picasso vient à Santo Sospir et conseille aussi à Jean Cocteau de continuer à peindre.
Francine a vécu dans la villa jusqu'à son décès à l'âge de 87 ans en 2003. Elle est morte dans les bras d'Éric Marteau qui gardait la villa depuis 3 décennies. Il était arrivé il y a 30 ans à Santo Sospir pour être infirmier privé de Mme Weisweiller. Plus tard, sa fille Carole a proposé à Eric de rester dans la villa et d'en être le gardien. Il surveille le domaine et son patrimoine encore aujourd'hui.
Après la mort de Francine, Carole Weisweiller devint l'héritière et nouvelle propriétaire de la villa. Elle organisa des visites privées sur demande. Mais avec le temps Santo Sospir perdit de sa splendeur. Les fragiles fresques tombent peu à peu en lambeaux. Carole ne pouvait plus ni garder la maison en bon état, ni payer les impôts. Elle a décidé de vendre la villa à ceux qui pourraient y insuffler une nouvelle vie.
Pas étonnant que la villa Santo Sospir soit appelée l'une des plus belles villas sur le Cap Ferrat. Elle a accueilli de nombreuses célébrités, dont Pablo Picasso, Pierre Carden, Alexander Calder, Charles Aznavour et Marlene Dietrich. Romy Schneider et Alain Delon y ont passé leur premier week-end romantique.
Mais la période idyllique prend sa fin en 1961, lorsque les relations entre Francine Weisweiller et Jean Cocteau se refroidissent. Francine se détache de Cocteau car elle tombe amoureuse de l'écrivain et scénariste Henri Viard. Cocteau l'a pris comme une trahison et quitté la villa pour toujours.
L’amour de Marina pour la France et son admiration pour Cocteau ont beaucoup influencé la vie de sa famille. Son fils, Ilia, a fréquenté une école française où il s’est plongé dans la culture de la France, tandis que sa fille, Marina Jr., a découvert le génie de Cocteau grâce à sa collaboration avec Serge de Diaghilev et les Ballets Russes. Leurs liens avec la Côte d'Azur remontent au grand-père de Marina, Solomon Melia, qui a visité la région dans sa jeunesse et a partagé avec ses descendants des histoires qui avaient enrichi leur amour pour le patrimoine culturel du Midi.
Lors d'une conversation fortuite, Ilia Melia a découvert que la villa était à vendre et la famille a immédiatement senti que c'était le destin. Lorsque Carole Weisweiller a vendu Santo Sospir en 2016, elle a décrit le marché comme un accord conclu au paradis — un accord que Jean Cocteau lui-même aurait sûrement approuvé.
Il y a des années, Marina Melia, professeure renommée de psychologie et coach d'affaires avec plus de 40 ans d'expérience, a visité pour la première fois la Villa Santo Sospir lors d'une visite guidée. Connue pour sa philanthropie soutenant les hospices pédiatriques et les réfugiés, elle a immédiatement été captivée par la richesse historique et l'héritage artistique de la villa, et ressenti une profonde connexion avec cet endroit.
La vie de Marina était intimement liée à l'histoire de la villa. Elle est née à peu près à l'époque où les Weisweillers ont acheté la villa et Jean Cocteau l'a immortalisée par ses œuvres légendaires.
là où le patrimoine rencontre le destin
Connu pour son travail avec des personnalités notables comme Sting et Michael Bloomberg, il est probablement le plus célèbre pour avoir redessiné la légendaire demeure d'Yves Saint Laurent et de Pierre Bergé à Marrakech.
Le décor de la villa a une immense valeur artistique, organisée par la célèbre décoratrice Madeleine Castaing. Elle a orné les intérieurs d'une sélection raffinée de meubles anciens qui, malgré leur fragilité inhérente, ont gracieusement résisté à 70 ans d'utilisation. Ces pièces soigneusement sélectionnées ont été méticuleusement restaurées à Milan, où la tapisserie emblématique Judith et Holopherne, conçue par Jean Cocteau, a également retrouvé son lustre d'antan.
Aujourd'hui la restauration est presque terminée, il ne reste plus que quelques derniers détails à peaufiner. La villa est un hommage vivant à son histoire remarquable, dans lequel les idées modernes sont harmonieusement mélangées avec un charme intemporel. L'art visionnaire de Jean Cocteau continue d'inspirer, son travail reste pertinent et évocateur comme toujours.
La restauration n'a pas été facile du tout. La pandémie a entraîné des retards et des complications logistiques, mais la détermination de l'équipe et son attention portée aux détails ont permis au projet de rester fidèle à son idée initiale. Le mérite en revient à Ilia Melia pour son engagement indéfectible, ainsi qu'au célèbre architecte Marc Prigent, dont l'expertise et la intuition ont rendu cette entreprise à la fois significative et réussie.
Le charme emblématique de la villa a été encore renforcé par le célèbre designer Jacques Grange, qui a revitalisé les intérieurs tout en honorant leur héritage artistique unique.
Florence Cremer, experte renommée dans la restauration de fresques historiques, a supervisé la préservation méticuleuse des "tatouages" emblématiques de Jean Cocteau. Tout un millimètre est manipulé avec précision et soin.
Madison Cox, le célèbre architecte paysagiste, a appliqué son talent visionnaire à la mise en forme du jardin de la villa.
La restauration de la Villa Santo Sospir a été réalisée avec un soin et un dévouement exceptionnels, répondant au besoin urgent de préserver son caractère historique. Les systèmes d'ingénierie d'origine, datant des années 1940, nécessitaient une refonte complète. Cela représentait un défi, car les murs de la villa, ornés des fresques inestimables de Jean Cocteau, devaient rester intacts. Des solutions innovantes ont été développées pour protéger la structure de l'humidité, garantissant que les fresques dureraient pour les générations futures.
Une restauration enracinée dans le respect